Nicolas Sarkozy sera-t-il, à nouveau, le premier président de la République à être condamné à une peine de prison ferme ? La cour d'appel de Paris va rendre, ce mercredi, son délibéré dans l'affaire dite des "écoutes", ce dossier dans lequel l'ex-chef de l'Etat est soupçonné d'avoir usé de son pouvoir pour obtenir des informations sur une enquête judiciaire à son encontre en échange d'un poste prisé pour le magistrat qui le renseignait. Dans ce dossier, l'ancien homme fort de la droite avait été condamné à trois de prison, dont un ferme, en première instance. L'appel étant suspensif et la peine de prison ferme par ailleurs aménageable, Nicolas Sarkozy ne s'était pas retrouvé derrière les barreaux. Et cette fois ?
Le délibéré de la cour d'appel de Paris est attendu depuis la mi-décembre. Lors de ce nouveau procès, qui a duré une dizaine de jours, celui qui fut maire de Neuilly, ministre à plusieurs reprises et locataire de l'Elysée avait dit vouloir "défendre son honneur bafoué", réfutant toute corruption. Si ce dossier apparaît comme "une affaire d'une gravité sans précédent" aux yeux du parquet, les réquisitions ont été moins lourdes qu'en première instance.
Ainsi, Nicolas Sarkozy encourt, à ce stade, trois ans de prison avec sursis. Aucune réquisition de prison ferme n'a été formulée et il semble peu probable que la peine prononcée soit plus dure que celle requise. L'ex-président de la République, s'il est reconnu coupable, n'ira donc pas en prison. Il pourrait en revanche être privé de ses droits civiques (vote et se présenter à des élections principalement). Des réquisitions similaires ont été formulées à l'encontre des deux autres prévenus, Gilbert Azibert, le magistrat qui aurait été l'informateur, et Thierry Herzog, l'avocat de Nicolas Sarkozy.
Qu'est-ce que l'affaire "des écoutes" ?
L'affaire des "écoutes" a débuté à la fin de l'année 2013. A l'époque, la justice enquête sur les soupçons de financement libyen de la campagne présidentielle victorieuse de Nicolas Sarkozy en 2007. Les juges décident alors de mettre l'ancien président sur écoute, mais s'aperçoivent qu'il discute avec son avocat, Me Thierry Herzog, par le biais d'une autre ligne, via un deuxième téléphone avec une puce prépayée, ouverte sur le nom de Paul Bismuth. Cette ligne "occulte" est mise sur écoute en janvier 2014.
En analysant ces écoutes, les magistrats découvrent que les deux hommes semblent être au courant d'informations qui sont pourtant couvertes par le secret de l'instruction Au total, 19 conversations entre l'ancien chef d'Etat et son avocat sont recensées par les juges. Au cours de leurs échanges, ils évoquent à plusieurs reprises un contact du nom de "Gilbert" qui travaille à la Cour de cassation. Il s'agit de Me Gilbert Azibert, qui est alors premier avocat général auprès de la Cour de cassation.
A l'époque, la Cour de cassation doit rendre une décision attendue au sujet de la saisie des agendas présidentiels de Nicolas Sarkozy dans le cadre de l'affaire Bettencourt. L'ancien chef d'Etat est alors poursuivi pour "abus de faiblesse" sur Liliane Bettencourt, rappelle Franceinfo. Nicolas Sarkozy bénéficie finalement d'un non-lieu dans cette affaire, mais maintient son pourvoi en cassation afin que les informations contenues dans ses agendas présidentiels ne puissent réapparaître dans d'autres procédures judiciaires.
Lors d'une conversation entre Me Thierry Herzog et Nicolas Sarkozy, les deux hommes évoquent un service que l'ancien chef d'Etat pourrait rendre à Gilbert Azibert. "Il m'a parlé d'un truc sur Monaco", indique l'avocat à l'ancien président de la République. Ce "truc sur Monaco" est en fait un poste au Conseil d'Etat dans la principauté. La justice soupçonne donc Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog d'avoir tenté d'obtenir des informations, voire d'avoir essayé d'influencer la décision de la Cour de cassation sur les agendas présidentiels, par le biais de Gilbert Azibert, en échange d'un poste honorifique pour l' ex-magistrat.
Comment Nicolas Sarkozy se défend-t-il ?
Nicolas Sarkozy a toujours réfuté avoir scellé un quelconque "pacte de corruption" -tels les termes utilisés lors de sa condamnation en première instance-, évoquant simplement un "coup de pouce". "J'ai passé ma vie à faire ça", a-t-il asséné à la barre. Au début du procès en appel, le sexagénaire avait affirmé, dans un propos liminaire : "Je n'ai jamais corrompu qui que ce soit. C'est une corruption étrange, sans argent, pas un centime pour qui que ce soit, sans avantage et sans victime. Personne n'a été lésé."
A la barre, Nicolas Sarkozy a donc non seulement contesté les chefs d'accusation retenus à son encontre mais, surtout le fait d'avoir été placé sur écoute lors de ses conversations avec son avocat. "Le PNF a indiqué que j'avais un comportement de délinquant chevronné. De délinquant chevronné ! De délinquant chevronné, madame ! Tout ça parce que j'avais utilisé un portable dédié. Depuis, la cour d'appel d'Aix a estimé que c'était tout à fait légitime...", a-t-il clamé, citant un arrêt rendu par la magistrate qui l'avait condamné en première instance dans cette affaire.
Nicolas Sarkozy condamné en première instance
En mars 2021, Nicolas Sarkozy a été condamné à trois ans de prison, dont un an ferme, dans l'affaire des "écoutes" pour "corruption et trafic d'influence" par le tribunal correctionnel de Paris. Il a par la suite fait appel de la décision. A l'époque, le tribunal avait estimé qu'un "pacte de corruption" avait été conclu entre Nicolas Sarkozy, Me Thierry Herzog et Gilbert Azibert. Christine Mée, présidente de la 32e chambre correctionnelle de Paris, avait alors déclaré que Nicolas Sarkozy s'était "servi de son statut d'ancien président pour gratifier un magistrat ayant servi son intérêt personnel" dans des déclarations rapportées par Le Monde.
Thierry Herzog a également été reconnu coupable de "corruption active" et de "violation du secret professionnel", et a été condamné à trois ans de prison dont deux avec sursis, assortis d'une interdiction d'exercer la profession d'avocat pendant cinq ans. Gilbert Azibert a de son côté été déclaré coupable de "corruption passive" et de "recel de violation du secret professionnel", et a été condamné lui aussi à trois ans de prison dont deux avec sursis. L'avocat comme le haut magistrat ont tous les deux fait appel de la condamnation.
source https://www.linternaute.com/actualite/politique/2681426-proces-sarkozy-de-la-prison-ferme-et-une-condamnation-pour-corruption/
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