[Mis à jour le 22 juin 2022 à 17h24] Elisabeth Borne reste Première ministre, mais pour combien de temps ? Alors que la démission de l'actuelle locataire de Matignon a été refusée par Emmanuel Macron ce mardi, deux jours après la sévère désillusion des législatives, son sort semble encore incertain. L'opposition gronde et s'indigne du maintien d'Elisabeth Borne. Dans la majorité aussi, on s'inquiète de ce profil de Premier ministre qui n'a pas réussi à "imprimer" pendant la campagne en tant que cheffe de la majorité et semble trop "techno", pas assez "politique" pour la séquence qui est en train de s'ouvrir. Selon l'AFP, François Bayrou, l'un des principaux alliés d'Emmanuel Macron, plaiderait lui-même pour un nouveau "Premier ministre politique" à la tête du gouvernement, regrettant que les Français puissent avoir le "sentiment que c'est la technique qui gouverne".
Les récents propos du directeur du cabinet d'Elisabeth Borne, Aurélien Rousseau, rapportés par Le Parisien ce mercredi, sont révélateurs. Alors que la patronne du gouvernement réunissait tous ses ministres mardi à Matignon pour montrer un gouvernement "au travail", son plus proche collaborateur a rappelé qu'Emmanuel Macron avait "renouvelé sa confiance à la Première ministre"... tout en admettant ne pas savoir "pour combien de temps". Le même jour, le premier secrétaire du PCF Fabien Roussel révélait en sortant d'un entretien avec le chef de l'Etat à l'Elysée que ce dernier envisageait un "gouvernement d'unité nationale". Un nouveau gouvernement qui, fatalement, devrait être conduit par un nouveau Premier ministre.
Qui pourrait prendre le poste de Premier ministre ?
Emmanuel Macron avait nommé Elisabeth Borne Première ministre car il cherchait à donner des gages à la gauche, qui avait permis sa réélection, après la présidentielle. Changement de braquet désormais : la personnalité qui pourrait la remplacer aujourd'hui serait plutôt à aller chercher à droite après les législatives. Après l'avènement de la Nupes comme principal adversaire, puis les revers électoraux des "macronistes de gauche" Richard Ferrand et Christophe Castaner lors de ces législatives, une clarification est attendue et les politologues spéculent en effet sur un changement de bord. "Pour elle, ça va être ingouvernable, le président doit au plus vite la remplacer par un Premier ministre très politique et issu de la droite", confiait un baron de la Macronie au Parisien dès lundi.
Les noms qui reviennent pour devenir Premier ministre sont en effet ceux de personnalités très ancrées politiquement, si possible avec un attachement à la droite républicaine. A ce titre, le profil de Bruno Le Maire est sur toutes les lèvres. Un haut fonctionnaire certes, mais avec des responsabilités éminemment politiques depuis une quinzaine d'année, du poste de directeur de cabinet de Dominique de Villepin à Matignon entre 2006 et 2007 à celui de ministre de l'Economie lors des cinq dernières années, en passant par un secrétariat d'Etat aux Affaire européennes, le ministère de l'Agriculture dans les gouvernements de François Fillon, des mandats de député, de Conseiller général et d'innombrables batailles au sein des Républicains, qui le mèneront à candidater à la primaire de la droite en 2016.
Non loin derrière, on trouve le nom de l'ex-LR Catherine Vautrin qui était souvent revenu à l'aube de la nomination de la nouvelle locataire de Matignon, en mai dernier. Rejetée par l'aile gauche de la majorité à l'époque, cette option pourrait revenir en force alors que l'alliance la plus évidente pour le chef de l'Etat se situe désormais à droite. La présidente de Reims métropole et ex vice-présidente de l'Assemblée nationale est restée fidèle à la droite de 1980 à 2009. Le Monde cite également le reconduit Gérald Darmanin, le ministre de l'Intérieur étant un proche collaborateur d'Emmanuel Macron et une figure de l'aile droitière du camp présidentiel. Toutefois, un tel scénario semble peu probable. Les récents déboires des forces l'ordre, accusées de violences par une partie de l'opposition et en première ligne dans le fiasco de l'organisation de la finale de la Ligue des champions au Stade de France, en pleine campagne, ont rejailli sur le "premier flic de France". Promouvoir un Gérald Darmanin qui a bénéficié en janvier d'un non lieu dans une longue procédure suivant des accusations de viol, en pleine affaire Abad, est aussi un risque politique que le chef de l'Etat pourrait éviter.
Elisabeth Borne "enjambée" par Emmanuel Macron ?
Pour l'heure, la priorité de l'exécutif est donc de ne pas se retrouver "empêché" et réduit à "expédier les affaires courantes" en attendant la nomination d'une nouvelle équipe, révèle Le Monde qui cite des proches du sommet de l'Etat. D'autant plus que des "décrets importants" sont attendus pour les jours à venir, des textes Parcoursup à ceux sur la gestion de la crise des hôpitaux. "La Première ministre a plaidé pour rester afin d'avoir les outils pour faire face à la situation et aux urgences des Français, ce qu'on ne pouvait pas faire avec un gouvernement démissionnaire et en gestion des affaires courantes", est-il même précisé. Elisabeth Borne souhaite donc se maintenir au pouvoir pour gérer les dossiers sur le feu.
Mais le gouvernement ne pourra pas ignorer longtemps le mécontentement qui gronde à l'Assemblée. A ce titre, le conseil des ministres prévu mardi 21 juin a été annulé : à la place, le chef de l'Etat a reçu les chefs de partis qui représentent les nouveaux pôles d'opposition au Parlement. L'enjeu est de négocier des alliances pour ne pas se retrouver dans un immobilisme néfaste à une gouvernance active. En langage élyséen, cela donne : "les consultations politiques nécessaires (…) afin d'identifier les solutions constructives envisageables au service des Français", comme l'a annoncé la présidence. Pourtant, un détail fait mouche : cette mission incombe en principe à la cheffe du gouvernement, ce qui fait dire aux détracteurs du gouvernement qu'elle n'a d'autre choix que de suivre les indications du président. A ce titre, la LR Rachida Dati estime même qu'Elisabeth Borne est "sous tutelle" et "enjambée" par le chef de l'Etat qui gère la question des alliances à sa place. A la place, la cheffe du gouvernement s'est contentée de réunir l'ensemble du gouvernement à Matignon mardi 21 juin. Quelle place reste-t-il à Elisabeth Borne pour exercer son rôle ? Est-elle vraiment sur la sellette ?
La Première ministre, Elisabeth Borne, contrainte à la démission ?
La Première ministre a remporté les élections législatives dans la 6ème circonscription du Calvados, obtenant la légitimité qu'elle était partie chercher dans ce scrutin. En outre, bien qu'elle soit relative, la majorité des sièges à l'Assemblée appartient toujours au camp présidentiel. Dans les faits donc, la nomination d'Elisabeth Borne à Matignon ne peut pas être remise en cause. Mais les législatives ont rebattu les cartes et redéfini les rapports de force en politique avec une montée de la gauche grâce la Nupes, premier groupe d'opposition, et celle de l'extrême droite qui a pu constituer un groupe de 89 députés derrière Marine Le Pen, du jamais vu. C'est dans ces camps que l'appel au changement de Premier ministre se fait entendre. "Madame Borne devrait partir. [...] Elle n'a plus la légitimité politique pour gouverner", estimait l'insoumis et député des Bouches-du-Rhône, Manuel Bompard sur BFMTV le 20 juin quand le maire RN de Perpignan, Louis Aliot, considérait sur France Inter qu'Elisabeth Borne "est trop affaiblie pour pouvoir rester. Il y a un choix de Premier ministre crucial à faire, qui permette une continuité politique et une stabilité politique qu'elle n'aura pas".
Ces appels n'obligent en rien Emmanuel Macron à nommer un nouveau Premier ministre ou Elisabeth Borne à démissionner. Une absence de contrainte que le chef de l'Etat a pris au pied de la lettre en refusant la "démission de courtoisie" de la cheffe du gouvernement. Sauf grande surprise, le chef de l'Etat s'est refusé à déduire que l'obtention d'une simple majorité relative était un signal de désapprobation de sa politique et de ses choix de ministres envoyé par les électeurs. Il a donc choisi de ne pas imputer la responsabilité de l'échec à Elisabeth Borne et l'a reconduite dans ses fonctions... En tout cas, pour l'instant.
La Première ministre évincée par une motion de censure ?
L'opposition est déterminée à renverser le gouvernement et à voir Emmanuel Macron nommer une nouvelle personnalité en remplacement d'Elisabeth Borne. Utilisant toutes les armes politiques à leur disposition, les députés insoumis ont déjà annoncé qu'une motion de censure contre le gouvernement Borne serait déposée lors de la séance du 5 juillet à l'Assemblée. Il s'agira pour elle de prononcer un discours de politique générale pour présenter son programme de gouvernement devant les députés, une étape généralement suivie par les gouvernements fraichement nommés. Lors de cette prise de parole traditionnelle, elle pourrait mettre son poste en péril en décidant d'engager un vote de confiance. Ce vote lui permettra d'identifier les députés vers lesquels se tourner pour trouver du soutien à ses réformes. Mais surtout, ce vote est un engagement de la responsabilité du gouvernement. S'il n'est pas obligatoire, il pourrait devenir presque logique dans le cas où les députés de tous les bords politiques qui composent l'opposition décidaient de s'allier pour mettre Elisabeth Borne en minorité. Les députés pourraient alors voter une motion de censure.
Mais les choses ne seront pas si simples. Cette nouvelle Assemblée est morcelée, et des désaccord naissent même au sein des formations. Chez l'intergroupe Nupes, on peine à s'accorder : à cette proposition de motion de censure évoquée par l'Insoumis Eric Coquerel, le premier secrétaire du PS Olivier Faure, artisan de la coalition de gauche, a rétorqué : "Je souhaite que toutes les décisions que nous prenons au nom de la Nouvelle union populaire écologique et sociale se prennent en commun et non pas du seul fait des uns ou des autres". Les socialistes, qui ont intérêt à faire entendre leur voix et à cultiver leur différence tout en continuant à porter la bannière Nupes, sont pour l'heure peu enclins à remettre en cause la légitimité d'Elisabeth Borne. Même son de cloche chez les communistes, qui préfèrent attendre d'entendre le discours de politique générale prévu par la Première ministre le 4 juillet. Seuls certains députés LFI et communistes semblent prêts à aller jusqu'au bout. De l'autre côté, les Républicains se sont opposés à cette motion et Marine Le Pen aussi. Un refus qui met déjà en péril les chances de la motion de censure d'aboutir. Pour être entendue, une motion de censure doit être adoptée par la majorité absolue, soit 289 députés, ce qui sous-entend une alliance entre toutes les forces d'opposition. Il est à noter que cette motion de censure pourra être initiée par tout parti qui a atteint le seuil de 58 députés à l'Assemblée, ce qui est le cas de la Nupes, du RN et du LR. Le risque peut donc venir de toutes parts.
Qu'est ce qu'une motion de censure ?
La motion de censure est une arme politique dont disposent les groupes parlementaires d'opposition d'au moins 58 députés, condition remplie par la Nupes, le RN et les Républicains après les dernières législatives. Il s'agit d'un vote de l'Assemblée nationale utilisé pour sanctionner le gouvernement et désapprouver la politique menée mais dans le pire des scénarios il peut aussi tenter de renverser le pouvoir en place et conduire à la démission du Premier ministre et du gouvernement. Pour cela il faut que la motion de censure soit adoptée par la majorité soit 289 députés de l'Assemblée nationale. Une fois la motion de censure déposée, le gouvernement a un délai de 48 heures pour convaincre les députés de ne pas voter en faveur de la motion. Dans l'histoire de la Vème République, un seul gouvernement a été renversé par la motion de censure, celui de Pompidou en 1962.
Un nouveau Premier ministre doit-il être nommé après les législatives ?
Après les élections législatives, le seul scénario qui contraint le chef de l'Etat à nommer un nouveau Premier ministre est une cohabitation, soit un groupe d'opposition majoritaire et supérieur en nombre de sièges au camp présidentiel. Or, au soir du dimanche 19 juin, Emmanuel Macron et Elisabeth Borne ont conservé la majorité à l'Assemblée nationale. Ensemble, ils peuvent donc décider de gouverner sans majorité absolue en concluant des accords au cas par cas ou des accords de législature avec certains députés de l'opposition. C'est là le chemin que semble vouloir prendre l'exécutif, la Première ministre ayant déclaré après l'annonce des résultats des législatives : "Nous travaillerons dès demain à construire une majorité d'action, il n'y a pas d'alternatives. [...] Nous allons œuvrer dans le dialogue".
La Première ministre se prépare donc à négocier l'ensemble des textes avec d'autres forces politiques. Une mission inconfortable, symptôme d'une défaite politique et d'une crise de confiance deux mois tout juste après une victoire d'Emmanuel Macron à la présidentielle, déjà en demi-teinte et sans triomphalisme. Les négociations seraient très fréquentes étant donné que dans le système parlementaire français, toutes les décisions doivent être adoptées à la majorité absolue. Ce sont 44 voix que la majorité présidentielle devra aller chercher pour chaque proposition, une situation qui risque de buter face au blocage politique. "En dessous de dix, il trouvera sans mal les alliés nécessaires pour faire le compte. Au-dessus de vingt, la tâche s'annonce beaucoup plus compliquée", expliquait pour L'Express le chercheur au CNRS Bruno Cautrès.
Que dit la loi sur la nomination du Premier ministre ?
Ce qui est sûr c'est que le Premier ministre sera toujours nommé par le chef de l'Etat et qu'aucune opposition ne peut prétendre à choisir à la place d'Emmanuel Macron l'identité du locataire de Matignon. "Le président choisit la personne qu'il nomme premier ministre en regardant le Parlement. Aucun parti politique ne peut imposer un nom au Président", assurait Emmanuel Macron lors de son allocution devant la presse régionale. S'il est d'usage que le président nomme un Premier ministre étant issu de la nouvelle majorité ou que le nom soit soumis par cette majorité de députés, rien dans la Constitution n'oblige le Président à agir de la sorte.
Toutefois, le président de la République, qui nomme le Premier ministre selon l'article 8 de la Constitution, pourrait voir son choix de personnalité écarté s'il ne choisit pas une candidature plébiscitée par la majorité parlementaire. En effet, d'après l'article 49 de cette même Constitution, le groupe politique qui possède une majorité de députés à l'Assemblée nationale a un avantage décisif dans le choix du Premier ministre grâce la motion de censure ou le refus de l'accord de confiance. Il est à noter que cette motion de censure devra être signée par un dixième au moins des membres de l'Assemblée nationale" et votée "quarante-huit heures après son dépôt".
Que se passerait-il en cas de dissolution de l'Assemblée ?
C'est le dernier recours dont dispose le Président pour la nomination du Premier ministre. Mais est-il stratégique ? Dissoudre l'Assemblée, en plus de n'être possible qu'une seule fois par an, comporte de très nombreux risques sur le plan politique. En effet, cette dissolution engendrera de nouvelles élections législatives qui feront émerger une nouvelle majorité, comme l'explique le collectif Les Surligneurs. Et rien ne dit que ce nouveau groupe de députés soit en accord avec le projet politique du camp macroniste. S'il s'agissait de la Nupes, par exemple, le blocage politique pourrait être important, avec de grandes difficultés à s'entendre sur des points centraux : de la réforme des retraites à la gestion de la TVA, la mésentente pourrait être complète. Et la capacité réformatrice du gouvernement largement affaiblie. C'est en tout cas ce qui est arrivé à Jacques Chirac lorsqu'il s'est retrouvé à devoir cohabiter avec le socialiste Lionel Jospin, après des élections législatives infructueuses pour son camp (et déclenchées par sa décision de dissoudre l'Assemblée en 1997).
Quel est le rôle du Premier ministre ?
Chef du gouvernement, le Premier ministre partage le pouvoir exécutif avec le président de la République. Il dirige l'action du gouvernement et fixe les orientations politiques principales. Il a deux rôles principaux, celui de coordonnateur de l'action gouvernementale et d'exercice du pouvoir réglementaire.
En tant que coordinateur, il doit s'assurer de la cohérence du ministère en évitant que différents ministres prennent des initiatives allant dans des sens opposés. En outre, s'il n'est pas, dans la Constitution, le supérieur hiérarchique des autres ministres, il peut proposer leur révocation au président de la République en cas de faute grave. Il dispose d'un certain nombre de facilités et de prérogatives qui lui permettent de mener à bien son rôle de direction de l'action gouvernementale. Selon l'article 20 de la Constitution, il "dispose de l'administration", de services propres comme le Secrétariat général du gouvernement localisés à l'Hôtel Matignon et d'un grand nombre de services qui lui sont rattachés, à l'instar du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale.
Pour exercer le pouvoir réglementaire, il assure l'exécution des lois sous réserve de la signature des ordonnances et décrets délibérés en Conseil des ministres par le chef de l'État. Il peut, de manière exceptionnelle, remplacer le Président à la présidence du Conseil des ministres. Enfin, il est responsable de la défense nationale même si, nous dit le site de vie publique France, les grandes orientations sont généralement fixées par le président de la République.
source https://www.linternaute.com/actualite/politique/2639435-premier-ministre-qui-pour-remplacer-borne-a-matignon/
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